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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/128

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le serf.

avaient pris la fuite, ses terres avaient cessé d’être cultivées, et les villages de son domaine tombaient en ruine. La seule idée de voir son père et Catherine au pouvoir de ce monstre, causa au jeune homme une véritable épouvante.

— Je me soumettrai à telle condition qu’il plaira à monseigneur d’ordonner, dit-il ; mais au nom du Christ, qu’il ne livre point ceux que j’aime au duc de Vaujour.

— Monseigneur ne peut se dispenser de faire cette vente, interrompit maître Moreau, qui craignait que Raoul ne se laissât toucher par les prières du jeune homme.

— Je lui abandonnerai en dédommagement tout ce que je possède, interrompit Jehan.

— En vérité, dit le comte ; je serais curieux de savoir ce qu’un drôle de ta sorte cache dans son escarcelle.

— Je puis disposer de douze vieux écus, reprit rapidement Jehan en tirant tout son argent de la bourse de cuir qu’il portait à son côté.

— C’est trop peu, dit sèchement maître Moreau.

— Hélas ! je ne puis donner davantage, dit Jehan ; mais prenez en outre, s’il le faut, tous mes manuscrits ! Voyez, monseigneur, ce sont des bréviaires écrits aux trois encres, des missels ornés de majuscules dorées, des copies d’Horace et de la logique d’Aristote ; il y en a là pour vingt écus au moins. N’est-ce point assez pour l’affranchissement d’un pauvre vieillard et d’une