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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/148

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le chevrier de lorraine.

une proie. Encore la noblesse renfermée dans ses châteaux fortifiés échappait-elle à ces pertes. Enrichie par la curée du siècle précédent, elle ne songeait qu’à jouir de son opulence. Jamais le luxe n’avait été si extravagant ni si bizarre. Les femmes portaient pour coiffures de véritables édifices, tout chargés de perles et de dentelles : à l’extrémité de leurs chaussures pendaient des glands d’or, et leurs vêtements de velours, de soie ou de brocard, étincelaient de pierres précieuses.

Une aventure inattendue mit le jeune voyageur à même de connaître cette richesse dont rien n’avait pu jusqu’alors lui donner une idée.

Il venait de traverser un pauvre village dont il avait vu les habitants occupés à pêcher, pour leur dîner, des grenouilles dans une mare, lorsqu’il se trouva devant un château. Les murailles étaient entourées d’un fossé rempli d’eau vive, et sur cette eau nageait une troupe de cygnes au plumage éclatant. Remy, qui était arrêté pour contempler leurs gracieuses évolutions, entendit tout à coup une grande clameur s’élever derrière lui. Il se retourna et aperçut une jeune damoiselle dont le cheval emporté courait vers les fossés. Plusieurs gentilshommes et plusieurs valets, arrêtés près du pont, levaient les bras en poussant des cris de détresse. Encore quelques instants, et le coursier effrayé allait se précipiter dans les eaux ! Poussé par un élan subit, et sans calculer le danger, Remy s’élança à sa rencontre, saisit les rênes et se