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au bord du lac.

gie judiciaire. Il entreprit d’instruire Remy comme on sème les prairies, c’est-à-dire en mêlant toutes les graines. Le jeune garçon savait seulement lire et écrire ; il lui mit à la fois entre les mains vingt traités différents : les Doctrinaux, les Floriléges, les Cornucopies et le Vrai art de pleine rhétorique. En même temps, il lui enseignait les propriétés psychologiques ou médicales des différentes substances ; il lui apprenait comment, au dire des anciens auteurs, les améthystes rendaient sobre, les grenats joyeux ; comment les saphirs préservaient de la perte des biens temporels, et les agates de la morsure des serpents. Il l’accoutumait également à distiller les eaux d’herbes qui servaient à combattre la plupart des maladies ; il lui expliquait de quelle manière, depuis la découverte faite par un savant, que les esprits vitaux étaient de même nature que l’éther dans lequel se meuvent les astres, les alchimistes pouvaient recueillir, dans des flacons, une provision de ces esprits qu’ils faisaient ensuite respirer aux valétudinaires. Il lui signalait enfin l’influence de la lune sur le corps humain, et le danger des maladies commençant lorsque cet astre entrait dans le signe des Gémeaux.

Remy retenait une bonne partie de ces enseignements, car c’était un esprit ouvert et attentif ; mais ses goûts le portaient visiblement d’un autre côté. Chaque jour il s’échappait du laboratoire de frère Cyrille pour rejoindre le sire d’Hapcourt, qui, peu versé dans les lettres et les sciences, ne s’était jamais soucié, comme