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le chevrier de lorraine.

fourrés. Partout ailleurs, les habitants gardaient leurs portes fermées, n’osant ni sortir, ni parler, ni allumer le foyer, dont la fumée les eût trahis. Plus de troupeaux dans les campagnes, plus d’attelages, plus même de chiens ! les maraudeurs, dont ils annonçaient l’approche, les avaient tués.

Remy et son guide continuèrent cependant leur route avec courage, souffrant sans se plaindre le froid, les fatigues et la faim. À chaque épreuve, le jeune garçon opposait ses espérances, et le moine ses préoccupations scientifiques. Tout lui devenait occasion d’enseignement ou d’études. Si les vivres faisaient défaut, il parlait longuement de la propriété malfaisante de la plupart des mets et des avantages de la diète ; le froid sévissait-il avec plus de rigueur, il se réjouissait tout haut de pouvoir expérimenter ses effets encore mal étudiés ; si la fatigue roidissait leurs membres, il expliquait comment cela avait lieu, et il donnait au jeune garçon une leçon d’anatomie d’après le livre de Chauliac.

Un soir, ils arrivèrent au hameau de La Roche, récemment brûlé par une troupe de soldats. Tous les habitants s’étaient réfugiés dans l’église qui restait seule debout, et qui était encombrée des meubles grossiers arrachés à l’incendie. Quelques chèvres s’y trouvaient parquées. Le Père Cyrille et son protégé y cherchèrent un refuge pour la nuit.

Les huit ou dix familles qui s’y étaient retirées se tenaient groupées autour de plusieurs feux allumés sur