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au bord du lac.

les dalles, et la fumée, qui n’avait d’autre issue que les fenêtres, formait une atmosphère épaisse, à travers laquelle on pouvait à peine s’apercevoir. Cependant, en reconnaissant la robe du Père Cyrille, on resserra le cercle pour faire place aux nouveaux venus.

Le moine s’étonna de ne voir que des femmes et des enfants ; mais on lui apprit que les hommes étaient sortis avec les charrues auxquelles ils s’attelaient, à défaut de bœufs, pour labourer de nuit ; car tels étaient les désordres de ce malheureux temps qu’ils n’osaient paraître de jour dans les champs qu’ils cultivaient.

Rien ne pouvait, du reste, donner idée du dénuement de ces pauvres gens. Les femmes étaient vêtues de peaux non tannées et de quelques lambeaux d’étoffes dont la pluie et le soleil avaient fait disparaître la couleur, leurs enfants, de grossiers tissus de paille tressée. Cependant elles offrirent aux deux voyageurs de partager leur chétif repas : c’était un peu de lait de chèvre et quelques racines cuites sous la cendre. Elles s’excusèrent de ne pouvoir offrir de viande, leurs bœufs et leurs porcs ayant été enlevés par les soudards qui avaient brûlé le hameau. Mais le frère Cyrille déclara que, selon Gallien, le bœuf occasionnait des obstructions, tandis que la chair de porc engendrait la mélancolie ; et il commença une dissertation entrecoupée de grec et de latin pour prouver que toutes les maladies venant de la raréfaction ou de la superfluité des humeurs, la nourriture végétale