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au bord du lac.

demanda si tout ce qui l’entourait était bien véritablement l’ouvrage des hommes.

Arrivé au centre de la place, le cortège s’arrêta ; c’était là que la séparation des prisonniers devait avoir lieu ; là que chacun d’eux allait suivre le maquignon qui l’avait acheté à la république, jusqu’à ce que celui-ci le revendît, à son tour, au maître qui devait, pour ainsi dire, le baptiser esclave.

Arvins fut cruellement rappelé à la pensée de sa situation et de celle de sa mère en comprenant qu’ils avaient atteint le but de leur course.

L’espèce d’enchantement auquel il s’était abandonné pendant quelque temps disparut bientôt pour faire place à l’inquiétude. Qu’allaient-ils devenir tous deux ?… Auraient-ils un maître commun ? ou bien faudrait-il encore, à tant d’autres malheurs, joindre celui de la séparation ?

Écrasés par la chaleur, les Armoricains, naguère si forts dans leur âpre atmosphère, s’étendirent sur les dalles de pierre qui pavaient le Forum, cherchant avidement l’ombre de chaque édifice, de chaque statue, et jusqu’à celle des plus frêles colonnes. Cette fois, le hasard fut bon pour Norva et son fils ; il les plaça sous le grand ombrage de l’immense figuier du lac Curtius.

La voix dure des maquignons ne tarda pas à interrompre ce court repos. On fit signe aux prisonniers de se lever ; on procéda à leur partage, et chaque esclavier emmena avec lui son lot de prisonniers.