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le chevrier de lorraine.

Ils frappèrent à la porte d’une maison d’assez bonne apparence, bâtie dans le bois, et qu’ils prirent pour une maison de forestier. Mais la femme qui vint leur ouvrir portait le costume bourgeois ; elle regarda d’abord par un guichet grillé, demanda ce qu’on lui voulait, et finit par ouvrir avec quelque hésitation.

En entrant, le Père Cyrille et son compagnon remarquèrent un établi couvert d’outils et de fragments d’os. Mais leur hôtesse se hâta de les faire passer dans une seconde pièce, où elle leur offrit des sièges autour d’une table sur laquelle elle plaça de quoi satisfaire leur faim.

Les deux voyageurs, qui tombaient d’inanition, mangèrent et burent d’abord sans parler. Lorsqu’ils furent enfin rassasiés, le Père Cyrille adressa la parole à la femme, qui s’était assise près du foyer, et les regardait dîner sans rien dire.

— Vous excuserez notre silence, ma fille, dit-il avec la douce familiarité que lui permettaient sa profession et son âge ; mais la meilleure conversation pour celui qui donne l’hospitalité est le bruit du couteau et de la cuiller de ses hôtes. Dieu vous rendra ce que vous faites aujourd’hui pour de pauvres voyageurs.

La maîtresse du logis se signa en soupirant.

— Puisse-t-il vous entendre, mon révérend ! murmura-t-elle ; car nous vivons dans des temps où il fait expier durement à tous les fautes de quelques-uns.

— Hélas ! vous avez raison, répliqua doucement le