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l’apprenti.

M. Kartmann laissa échapper une exclamation de surprise.

— Pauvre enfant ! dit-il ; et depuis quand ?

— Depuis deux jours.

— Allez, reprit le fabricant avec un mouvement de tendre compassion ; allez, Frédéric, vous pouvez ne revenir qu’à la fin de la semaine, vous recevrez votre paye comme si vous aviez travaillé.

— Merci, monsieur, répondit l’enfant ; en quelque lieu que soit ma mère maintenant, elle doit être heureuse de me voir à l’ouvrage ; je lui obéis en y restant.

M. Kartmann passa la main sur la tête du jeune apprenti avec un doux intérêt, et lui dit :

— Vous passerez parmi les premiers apprentis, Frédéric, et j’augmente votre salaire.

Mais le zèle de l’orphelin ne se borna point seulement aux travaux de la fabrique. M. Kartmann annonça qu’il allait instituer chez lui un cours du soir qui devait, pour ses apprentis, remplacer les écoles publiques dont ils ne pouvaient profiter ; cette nouvelle combla Frédéric de joie.

C’était la première voie d’instruction qui s’ouvrait devant lui. Plus d’une fois il avait entendu sa mère déplorer l’ignorance dont ses enfants n’avaient aucun moyen de sortir, et il avait facilement compris, par ses propres observations, l’utilité de l’instruction ; aussi, quand arriva le 15 février, jour où les cours devaient s’ouvrir, il partit pour son atelier plus disposé que jamais au travail, et le cœur plein de courageuses