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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/229

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au bord du lac.

résolutions. Pendant tout le jour la pensée du soir ne le quitta pas une minute ; il entrevoyait ce moment comme celui de la récompense promise à son activité, et jamais sa tâche ne lui parut plus légère.

Mais le pauvre enfant était loin de prévoir, dans sa généreuse impatience, tous les obstacles qui l’attendaient sur la route. Dieu seul pourrait dire quelle force d’âme il lui fallut pour surmonter les premiers dégoûts de l’étude ; de quelle puissance de volonté il eut besoin pour dominer sa nature et la soumettre à un travail si nouveau. On ne sait point assez de gré à l’enfant du peuple de l’instruction qu’il acquiert ; mille obstacles inconnus au fils du riche viennent doubler pour lui les difficultés de l’étude. Rien, dans sa première éducation, ne le prépare aux travaux raisonnés ; la vie, pour lui, se résume tout entière dans les faits matériels ; c’est dans cette sphère que se meuvent ses besoins et ses douleurs : Frédéric surtout avait été placé, à cet égard, dans les conditions les moins favorables. Né dans une ville manufacturière, on le posta, dès l’âge de sept ans, devant une machine qu’il s’habitua à voir fonctionner sans chercher les relations de ses différentes parties. Dans le travail qui lui fut imposé, il ne sentit jamais d’autres nécessités que celles de la force et de l’adresse manuelle. Son intelligence dut nécessairement contracter, par suite, des habitudes d’inaction. Elle alla regardant de côté et d’autre, ne s’arrêtant sur un objet qu’aussi longtemps qu’elle y trouvait un motif