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au bord du lac.

sait pas une lettre, était maintenant cité comme un des jeunes gens de son âge le plus sérieusement instruits.

Chaque jour M. Kartmann se félicitait davantage de l’avoir attaché à sa maison. Jamais les fonctions qu’il remplissait ne l’avaient été avec autant de probité et de dévouement : aussi, ne voyait-il pas seulement en lui un commis ; c’était l’ami de la famille, le compagnon le plus cher de ses fils, leur digne émule. Les événements qui nous restent à raconter vinrent encore fortifier cette confiance et cette affection, en montrant jusqu’à quel point elles étaient méritées.

Depuis plusieurs mois M. Kartmann paraissait triste, et Frédéric, entre les mains duquel passaient tous les comptes de la maison, commençait à apercevoir un certain embarras financier dans les affaires de son chef. Bientôt les confidences de celui-ci, les expressions d’inquiétude qui lui échappaient, les nombreuses réclamations de ses bailleurs de fonds achevèrent d’éclairer Frédéric et de le convaincre qu’il ne s’agissait point seulement d’une gêne momentanée, mais d’une de ces crises commerciales qui ébranlent les fortunes les plus solides. Le moment ne tarda pas à venir où M. Kartmann lui-même leva ses derniers doutes.

Il rentra un jour, à l’heure du dîner, encore plus accablé que de coutume. Quand le repas fut achevé, il pria son fils aîné et Frédéric de passer avec lui dans son cabinet.