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l’apprenti.

— Avant deux mois, leur dit-il, cet établissement ne m’appartiendra plus. Après sa vente il me restera encore de quoi satisfaire à mes engagements ; si j’attendais plus longtemps, mes dettes ne tarderaient pas à dépasser mes valeurs. Les nouvelles machines de M. Zinberger m’ont complétement ruiné ; ses produits, plus beaux et d’un prix moins élevé que les miens, sont les seuls qui se vendent maintenant. Pendant quelque temps j’ai soutenu la concurrence, quelque ruineuse qu’elle fût pour moi, j’espérais toujours faire subir des modifications à mes machines ; toutes mes tentatives à cet égard ont été vaines : une lutte plus longue devient impossible. Aussitôt donc que mes livres seront en règle, j’annoncerai la mise en vente de cette manufacture. Il m’est affreux, sans doute, après tant d’années de travail, de voir s’évanouir tous les rêves d’aisance que j’avais formés pour mes enfants, mais au milieu de tant d’espérances détruites, je me sens le cœur moins brisé quand je pense que toutes mes dettes seront acquittées, et que ma famille et moi aurons seuls à souffrir de ce désastre. — Quant à toi, Frédéric, ajouta-t-il en tendant la main au jeune homme, tu ne cesseras point, je l’espère, d’être notre ami ; mais tu le vois, il faut que nous nous séparions. Je ne suis point inquiet de ton avenir ; avec tes talents les emplois ne te manqueront pas ; seulement, cette séparation est un chagrin de plus pour moi qui m’étais habitué à te considérer comme un troisième fils.