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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/261

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au bord du lac.

reux portent toujours leurs fruits, et la reconnaissance donna du génie à Frédéric. Ce moyen, dans la recherche duquel tant d’autres avaient échoué, il le trouva ! à peine osait-il croire lui-même à sa découverte. Il parcourait avec une sorte d’égarement les lignes tracées devant lui ; son calme, sa raison, qui ne l’avaient point abandonné au milieu de tant de recherches impuissantes, lui faisaient faute au moment de la joie. Il pressait avec une sorte de folie ses papiers contre sa poitrine ; il croyait parfois que tout son bonheur n’était qu’une illusion que l’examen d’un autre tuerait ; il ne pouvait se lever de sa chaise, il n’osait quitter sa chambre et aller demander s’il s’était trompé.

Une partie de la nuit se passa dans ce doute affreux de lui-même ; enfin, quand le jour arriva, il voulut avoir le dernier mot sur ses espérances et il s’élança vers la chambre de M. Kartmann.

— Tenez, dit-il en s’avançant vers le lit de son chef, et lui présentant son travail, voyez ce plan de machine et dites-moi si c’est seulement un rêve.

Puis il tomba épuisé sur un siège, dans une horrible angoisse d’attente et d’espoir.

À mesure que M. Kartmann examinait les papiers, sa figure devenait plus pâle, ses mains plus tremblantes : on sentait dans tous ses traits cette contraction qui indique le passage d’une grande souffrance à un bonheur inespéré. Quand il eut parcouru toutes les pièces, il tourna vers Frédéric des regards humides.