Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/132

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coup interrompues par un cri frêle et clair ; un cri d’enfant ! Cet enfant, c’était moi ; cette femme, c’était ma mère.

« Je venais de naître, il ne me restait plus qu’à vivre,.

« Vivre ! que de choses dans ce mot ! Vivre ! c’est-à-dire aspirer éternellement à l’inconnu, attendre l’impossible, poursuivre l’infini, faire longuement et péniblement sa voie !…

« Je commençai par faire mes dents !

« Les dents faites, vinrent les classes. J’y surpassai la plupart de mes condisciples, et chaque année j’étais couvert de couronnes ; mais un rival, que la fatalité avait placé près de moi, effaçait complètement ma gloire ; ce rival était Claude Mirmidon. À peine haut de trois pieds, dès qu’il paraissait, tous les regards se tournaient vers lui, on admirait sa gentillesse, on s’émerveillait de son intelligence. Chaque couronne paraissait deux fois plus grande sur son petit front ; moi, j’avais la taille de tout le monde, et l’on se contentait de dire : — C’est bien.

« Au sortir du collège, je voulus obtenir une place dans l’administration ; je me résignai à solliciter. Tous les jours je me présentais à l’audience des gens en crédit, pour que ma présence leur rappelât ce que j’attendais : mais rien n’arrêtait sur moi le regard, je demeurais confondu avec la foule. Mirmidon vint à son tour ; dès le premier moment il fut remarqué ; on voulut connaître son affaire, on s’y intéressa, et, quelques jours après, il avait obtenu l’emploi que je sollicitais depuis trois années.

« Repoussé par le pouvoir, je me tournai vers les lettres. J’écrivis un glossaire usuel, dans lequel je développai, sous les différents signes de l’alphabet, une série d’idées phi-