Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/155

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ne retentissaient que les cloches et les prières, afin de goûter aux joies de la vie. Insensiblement il prit tant de goût au mal, que sa seule tristesse était de ne pouvoir assez pécher. Il connaissait les trois grands chars qui portent le genre humain aux abîmes, le premier conduit par l’orgueil, le second par l’impureté, le troisième par la paresse, et il avait successivement pris place dans chacun, sans jeter même un regard sur celui du repentir, qu’un attelage boiteux traînait bien loin en arrière !

La sainte châtelaine, voyant la perte de son fils assurée, s’adressa avec larmes à l’archange saint Michel, patron spécial de sa famille, et lui demanda d’assurer le salut du jeune homme, fût-ce aux dépens de sa vie. L’archange, qui avait pitié des pleurs des mères, depuis qu’il avait vu Marie au pied de la croix, se laissa toucher, descendit vers la sainte femme et lui dit :

— Reprenez courage, votre fils peut encore être sauvé. Le Christ a compté ses jours, il ne lui en reste désormais que trois cents à passer sur la terre ; faites qu’ils soient sans péché, toutes les anciennes fautes seront remises au coupable, et, à l’heure indiquée, je viendrai moi-même enlever son âme pour la conduire au ciel.

Cette révélation causa à la châtelaine une grande joie. Son fils pouvait encore aspirer au bonheur des élus ! Cette pensée lui faisait accepter, presque sans chagrin, une mort prochaine ; les espérances de la chrétienne consolaient les regrets de la mère !

Mais pour mériter cette récompense, il fallait que le pécheur fit trêve à ses offenses contre la loi de Dieu ; et comment, hélas ! l’obtenir ? la châtelaine avait déjà inutilement employé les supplications, et les prières de l’Église n’avaient