Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans un intérieur bouleversé. Vous avez mieux aimé en murer les portes pour en faire un tombeau. De notre temps, on enchaînait les corps en laissant les âmes libres ; le moyen était brutal ; vous avez dit : — À quoi bon ces chaînes qui meurtrissent, qui tintent aux oreilles ! délivrez-en le corps et tuez tout doucement l’âme ; cela ne se voit pas, et l’âme morte, le corps ne bougera plus ! Ô pharisiens ! qui feignez d’ignorer que l’abrutissement n’est point une régénération ! Hommes de peu de foi qui ne savez point ce que l’amour et la patience peuvent obtenir des plus criminels ! cherchez le cœur le plus endurci, frappez au point voulu, et il en sortira une source vive. Tant qu’un homme vit, tant qu’il aime quelque chose de la création, Dieu ne s’est point complètement retiré de lui, et son âme n’est point perdue sans retour.

M. Philadelphe le Doux avait profité de cette longue improvisation de Maurice pour remettre à M. Atout son rapport annuel, constatant les excellents résultats obtenus par le système cellulaire, et pour écrire au crayon quelques notes sur la nécessité de supprimer les numéros des loges qui pouvaient distraire encore le condamné. Lorsqu’il eut achevé, il releva la tête, et regarda le jeune homme avec ce vague sourire des gens qui veulent avoir entendu sans avoir écouté.

— Ah ! fort bien, dit-il, je vois que vous avez étudié la question… Mais, aujourd’hui encore, deux systèmes se partagent les esprits et les prisonniers. Nous avons vu le Logis des Trappistes, il nous reste à visiter celui des Pentagruélistes. Allez devant vous, de grâce, puis prenez la porte à gauche, nous arriverons justement pour les voir dîner.

Maurice, ayant suivi les indications données, se trouva