Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

police soit faite par les municipaux. Elle ouvre d’ailleurs une légitime carrière à des ambitions qui, sans elle, ne trouveraient jamais l’occasion de se satisfaire. Tel droguiste patenté mourrait vierge de toute fonction publique, s’il n’obtenait de ses voisins le titre de sous-lieutenant en second : tel charcutier vendrait son fonds, privé de toute distinction sociale, si ses fonctions de caporal ne lui avaient valu trois décorations. La garde urbaine profite, en outre, à plusieurs industries nationales, telles que celles des cabaretiers, des marchands de blanc d’Espagne et de papier à dérouiller ; elle entretien une population flottante d’enrhumés, de rhumatismants, de courbaturés, qui profite aux médecins et aux fabriques de réglisse ; elle conserve enfin, dans le pays, un esprit militaire d’autant plus précieux à entretenir, que l’on est décidé à ne s’en servir jamais. Quant aux services rendus par les citoyens armés, ils sont trop évidents et trop nombreux pour que j’aie besoin de vous les énumérer. Ils défendent d’abord toutes les portes, déjà défendues par la police ou l’armée ; ils gardent les monuments publics, en dedans des grilles fermées ; ils parcourent la ville chargés de leur caisson, de leur bonnet à poil, de leurs bottes à l’écuyère et de leur tromblon, afin d’arrêter, à la course, les voleurs, chargés de leur seule malice ; ils servent enfin à orner de leurs bataillons les fêtes publiques, comme ces vignettes mobiles dont l’imprimeur encadre tour à tour les annonces de mariage et les billets d’enterrement.

Les deux époux trouvèrent l’Institut de Sans-Pair établi dans une salle circulaire dont le public occupait les tribunes. Chaque académicien portait un caleçon brodé d’une guirlande de lauriers vert-pomme, et une épée suspendue à un ceinturon d’immortelles.