Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/243

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plaignaient de son iniquité et de sa corruption ; tous se déclaraient également indifférents à son amitié ou à sa haine.

M. Atout, voyant qu’il faudrait attendre quelque temps, proposa à son compagnon de lui faire visiter rapidement ce qu’on appelait les bureaux du journal.

Après avoir traversé plusieurs pièces où des milliers d’employés surveillaient les détails inférieurs, ils arrivèrent à la salle de rédaction, partagée en deux cents cellules grillées, pour les deux cents journalistes de service. Chacun d’eux avait ses fonctions distinctes, indiquées par l’inscription de la cellule. Il y avait un rédacteur pour les empoisonnements de femmes par leurs maris, deux pour les empoisonnements de maris par leurs femmes, trois pour les empoisonnements réciproques, connus sous le nom d'empoisonnements assortis, et ainsi du reste. Venaient ensuite les puffistes, compagnie d’élite dont on ménageait les forces. L’un avait la spécialité des incendies de villes inconnues, des tremblements de terre de pays à découvrir, des naufrages de grands personnages ayant pour nom une initiale ; un second se chargeait des histoires d’ours dévorant les vétérans, de serpents marins et de crocodiles apprivoisés ; un troisième se réservait le règne végétal, embelli des merveilles de la moutarde blanche et du chou colossal.

Chaque article achevé était jeté dans un tube qui le conduisait jusqu’à la machine, où il était imprimé sans l’intermédiaire des compositeurs, ce qui, entre autres avantages, avait celui de laisser les fautes d’orthographe au compte du journaliste.

La seconde salle était celle des rédacteurs de réclames, perpétuellement employés à trouver de nouvelles formules