Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/334

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posé, à la dernière session, treize millions d’économies, sur lesquels la chambre lui a accordé vingt et un francs trente centimes. Un peu plus loin se trouve un de nos confrères, qui s’est fait recevoir à l’Académie comme homme politique, et à la chambre comme littérateur. Il refait tous les ans un discours contre les auteurs contemporains, qui ont le tort de ne lui avoir point laissé une place, et un second en faveur du ministère, qui lui en a accordé sept. À ses côtés siège le général Pataquès, connu par son éloquence, mêlée d’oripeaux militaires, de cliquetis de sabres et de lazzis de chambrée. Le vieil homme qui se promène là-bas est le fameux Tacitus, espèce de Montesquieu en raccourci, qui a acquis la réputation d’excellent citoyen en s’abstenant, et de penseur profond en déchirant ses collègues. Derrière lui cause un ancien légiste, M. Format, qui regarde le gouvernement de l’État comme une affaire de procédure, et qui laisserait vendre la république, pourvu qu’elle fût vendue selon le code. Son interlocuteur, milord Grave, est un ancien ministre, qui a le premier introduit l’austérité dans la corruption. De l’autre côté se promène le docteur Traverse, qui parle pour le gouvernement populaire dont il ne veut pas, afin de ramener la monarchie, que tout le monde repousse. Enfin, voici, au pied de la tribune, M. Omnivore, défenseur des intérêts positifs de la république, pourvu que ces intérêts soient les siens. Tous ces députés sont les chefs d’autant de partis, qui tâchent de s’entendre quand ils ne peuvent pas s’étrangler.