Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/79

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vaient occuper, M. Atout ne manqua point de leur faire admirer une foule de nouveaux perfectionnements. Les lits rentraient dans la muraille afin de laisser plus d’espace ; les fauteuils roulaient d’eux-mêmes ; les fenêtres s’ouvraient sans qu’on y touchât : les parquets s’abaissaient et s’élevaient à volonté. Aussi n’était-ce partout que poulies et cordons de tirage ; l’appartement entier ressemblait à un vaisseau garni de ses agrès, et qui obéissait à l’instant, pourvu qu’on connût la manœuvre.

Mais la multiplicité des émotions de cette journée, jointe à la fatigue du voyage, avait épuisé les forces de Marthe ; aussi remit-elle au lendemain l’étude de ce mécanisme domestique, et ne tarda-t-elle pas à s’endormir.

Maurice, sentant également le besoin de repos, passa dans la chambre voisine, qui lui était destinée, et se disposa à se mettre au lit ; mais, tout en se déshabillant, il repassait dans sa mémoire les étranges aventures qui venaient de lui arriver, et poursuivait un de ces monologues philosophiques, particulièrement en usage parmi les ivrognes, les gens qui s’endorment et les héros de tragédie.

— Ressusciter, murmurait-il, du ton de Talma s’adressant la fameuse question d’Hamlet ; ressusciter après douze siècles ! suis-je bien sûr d’être éveillé ?… Ici il se touchait pour en acquérir la certitude, puis reprenait :

— Oui, je veille… je suis bien dans le monde de l’an trois mille… une nouvelle société m’enveloppe…

Il s’interrompait pour ôter son habit…

— Ainsi mes souhaits ont été accomplis ! Maurice ! tu vas connaître la génération préparée par tes contemporains ! Ah ! pour la bien juger, dépouille-toi des préjugés de ton