Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/88

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chiffre de la somme qu’elle avait reçue en mariage : on y lisait, gravé en lettres d’or :

TROIS MILLIONS DE DOT.
SÉPARÉE DE BIENS

Maurice comprit sur-le-champ la déférence de l’académicien pour la femme-corset.

La présentation fut faite à milady Ennui, qui lorgna les deux ressuscités avec une curiosité nonchalante, leur adressa une vingtaine de questions dont elle n’attendit pas les réponses, puis déclara, tout à coup, qu’elle voulait déjeuner sur-le-champ, pour faire ensuite, avec eux, une promenade à la grande avenue des cheminées.

En sortant de table, M. Atout conduisit ses hôtes et milady Ennui sur la terrasse de son hôtel, où ils trouvèrent une calèche aérostatique, dans laquelle ils montèrent ; car, à Sans-Pair, les principaux moyens de communication avaient été établis, pour plus de commodité, à travers l’espace autrefois abandonné au vent et aux hirondelles. Les rues étaient presque exclusivement laissées aux piétons. On voyait les fiacres-volants, les omnibus-ballons, les tilburys-ailés courir et se croiser dans tous les sens ; l’éther, enfin conquis, était devenu un nouveau champ pour l’activité humaine. Ici, des débardeurs aéronautes dépeçaient les nuages pour en extraire la pluie ou l’électricité ; là, des chiffonniers aériens glanaient les épaves égarées dans l’espace ; plus bas, de pauvres chimistes-volants recueillaient les gaz vagabonds ou les fumées flottantes, tandis qu’à leur côté, quelque honnête bourgeois, abrité par deux nuées, essayait de prendre à la ligne les oiseaux de passage.

Après avoir traversé les plaines de l’air, la calèche abaissa