Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/15

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ombre qui s’arrêta tout à coup devant la fenêtre ouverte, avec un éclat de rire métallique. Marthe saisie s’était rejetée en arrière ; Maurice lui-même avait reculé d’un pas.

« Voilà ! répéta la voix toujours sèche et précipitée. Vous m’avez appelé, j’arrive. »

En parlant ainsi, le nouveau venu fit un mouvement qui le plaça dans la ligne de lumière dessinée sur le toit par la lune, et se trouva ainsi éclairé tout entier. C’était un petit homme en paletot de caoutchouc, coiffé d’un gibus mécanique, cravaté d’un col de crinoline, et chaussé de guêtres en drap anglais. Il portait au cou une énorme chaîne dorée par le procédé Ruolz, à la main droite une canne de fer creux, et sous le bras gauche un portefeuille d’où sortaient quelques coupons d’actions industrielles. Toutes les parties de son costume montraient l’inévitable estampille :

BREVETÉ DU GOUVERNEMENT
sans garantie aucune

Quant à sa personne, on eût dit un banquier compliqué d’un notaire.

Il était commodément assis sur une locomotive anglaise, dont la fumée l’enveloppait de fantastiques nuages, et portait en groupe un daguerréotype de la fabrique de M. Le Chevalier.

Maurice, un peu effrayé d’abord de cette apparition subite, fut rassuré par son apparence pacifique. Il regarda en face le petit homme et lui demanda qui il était. « Qui je suis ? répéta ce dernier en ricanant ; pardieu ! dame Marthe doit le savoir.