Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/16

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— Moi ! s’écria la jeune femme, qui tremblait comme un auteur le soir de sa première représentation.

— Ne venez-vous point de m’appeler ? reprit le petit homme. »

Maurice fit un mouvement.

« Ah ! je vous reconnais ! dit-il ; vous êtes le lutin familier des mansardes, l’ancien serviteur de don Cléophas Zambulo, le démon Asmodée. » L’inconnu frappa du poing sur sa locomotive. « J’en étais sûr, dit-il, toujours Asmodée ; la réputation de ce drôle lui a survécu.

— Il est donc mort ? demanda Maurice étonné.

— Ne le savez-vous pas ? reprit le petit homme. Béranger l’a annoncé :

Au conclave on se désespère.
Adieu puissance et coffre-fort !
Nous avons perdu notre père :
Le diable est mort, le diable est mort.

— Et pourtant, objecta Marthe, qui commençait à se rassurer, on a publié ses mémoires et son voyage à Paris.

— Œuvres apocryphes ! fit observer l’homme au paletot de caoutchouc ; le diable n’en eût jamais fait autant. Je l’ai beaucoup connu, c’était un vaurien des plus maussades ; mais il a eu le même bonheur que le prince de Talleyrand, son cousin : on lui a attribué l’esprit de tout le monde. Heureusement que l’esprit des ténèbres a fait son temps ; son règne finit et le mien commence ! »

Les deux amants ravis relevèrent la tête.