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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/18

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— En l’an trois mille ! et vous vous réveillerez aussi jeunes et aussi amoureux, acheva le génie avec un rire de financier.

— Ah ! s’il est vrai, reprit Maurice exalté, ne tardez point davantage ; montrez-nous l’avenir qu’on nous annonce si splendide ! Qui nous retiendrait dans ce présent, où tout n’est que lutte et incertitude ? Dormons pendant que le genre humain marche péniblement à travers les routes mal frayées ; dormons pour ne nous ré veiller qu’au terme du voyage ! »

Il avait enveloppé Marthe d’un de ses bras, et l’approcha de son cœur, afin d’être sûr de l’emporter à travers ce sommeil de plusieurs siècles. M. John Progrès se pencha vers eux et avança les deux mains, comme un magnétiseur près de communiquer le fluide merveilleux qui transporte le nerf visuel dans l’occiput et l’odorat dans l’épigastre ; mais Marthe fit un mouvement de côté.

« Ah ! s’écria-t-elle épouvantée, votre sommeil, c’est la mort ; votre monde, c’est l’inconnu. Maurice, restons où nous sommes et ce que nous sommes !

— Non, s’écria le jeune homme fasciné, je veux voir le but.

— La route est si belle ! Regarde , que de fleurs à cueillir ! quel ciel bleu sur nos têtes ! que de douces rumeurs de sources et de brises !

— Savoir ! savoir ! Marthe.

— Vivre ! vivre ! Maurice.

— Oui, mais dans un meilleur monde et sous de plus justes lois ! Appuie ton front sur mon épaule, Marthe ;