Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serre-toi contre mon cœur, et ne crains rien ! je suis là et je t’aime ! »

Il avait enveloppé la jeune femme dans ses bras, et les mains du génie étaient restées étendues ! Tous deux sentirent, tout à coup, leurs paupières s’appesantir ; ils cherchèrent instinctivement le grand fauteuil de travail de Maurice, et s’y affaissèrent dans un sommeil glacé qui ressemblait à la mort.

Le lendemain, tous les journaux donnaient, aux faits divers, la nouvelle suivante :

« Un événement aussi triste qu’inattendu vient de jeter la désolation parmi l’intéressante population des Batignolles. Un jeune homme et une jeune fille, qui habitaient l’étage supérieur d’une maison située rue des Carrières, ont été trouvés morts ce matin. On se perd en conjectures sur ce funeste accident, qui ne paraît être ni le résultat du crime, ni celui du désespoir. »

Le jour suivant, le Moniteur parisien consacrait un nouvel article aux amants batignollais, en annonçant que tous deux s’étaient asphyxiés par inspiration poétique et pour échapper aux désenchantements de la vie. Le surlendemain, Le Constitutionnel publiait des détails intimes sur leurs derniers instants, et le lendemain du surlendemain La Presse annonçait la publication de leur correspondance inédite, recueillie par un ami !

De plus, tous les poètes de province accordèrent leur lyre (car la lyre et la guitare sont encore connues dans les départements) ; et il en résulta douze cents strophes, en vers de toutes mesures, sur la mort de Marthe et de Maurice. Mais les plus citées furent celles d’un employé