Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/23

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terre sauvage, dont les sociétés modernes exploitaient les ruines. Richesses enfouies, monuments abattus, tombes oubliées, tout devenait la propriété de ces générations marchandes. Il sembla même a Marthe et à Maurice que le cercueil qui les renfermait était arraché au sol funèbre avec des milliers d’autres, qu’on les embarquait ensemble, et que tous étaient transportés dans une région inconnue, centre de la civilisation nouvelle.

Mais ici l’espèce d’intuition mystérieuse qui leur avait tout révélé jusqu’alors s’obscurcit. Il y eut dans leur songe une interruption subite : puis une voix claire fit tout à coup entendre à leurs oreilles ce cri : L’an trois mille !

Au même instant, le couvercle de la bière fut rejeté, et les deux amants, réveillés en sursaut, se soulevèrent de leurs linceuls.

D’abord, ils n’aperçurent rien qu’eux-mêmes. En se retrouvant après un sommeil de tant de siècles, tous deux jetèrent un cri de joie ; leurs bras s’étendirent l’un vers l’autre, et ils échangèrent leurs noms dans un baiser. Un éclat de rire strident les interrompit. Ils se retournèrent en tressaillant : le petit génie était à quelques pas, debout sur sa locomotive fantastique. Marthe poussa une exclamation, rougit, et ramena autour de ses épaules les plis du suaire. « Eh bien ! j’ai tenu parole, dit le déicule ; grâce à moi, vous venez de traverser onze siècles sans vous en apercevoir.

— Se peut-il ? s’écria Maurice stupéfait.

— Et vous voilà transportés au centre de la civilisa-