Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/46

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Un nouvel interlocuteur venait effectivement de s’approcher.

C’était un petit homme, tellement obèse que ses deux bras ressemblaient à des nageoires, et trottant avec des jambes si courtes qu’on eût dit un de ces poussahs de carton qui marchent sur leur ventre. Ses petits yeux, enfoncés dans la chair, semblaient des trous de faussets, et son nez, étranglé entre deux joues hémisphériques, faisait l’effet d’un pépin dans une orange de Malte. Il salua du pied, n’ayant point assez de cou pour saluer de la tête.

« Magnifique découverte. Monsieur ! dit-il d’une voix apoplectique, et en montrant le prospectus qu’agitait une de ses nageoires.

— Monsieur veut-il en essayer ? demanda rapidement Blaguefort.

— Pourquoi pas ? reprit l’homme-poussah avec un rire qui rappelait, à s’y méprendre, un accès de toux ; pourquoi pas ? J’ai toujours favorisé le progrès des arts…

— Comme nous le progrès des nez. Monsieur.

— Ainsi, vous parvenez réellement à accroître ou à diminuer leurs dimensions ?

— Par le moyen d’un appareil approprié aux besoins du sujet. Monsieur peut voir, du reste, la lithographie jointe à notre prospectus. Grâce à notre corset orthonasique, chacun peut désormais choisir son nez, comme on choisissait autrefois son chapeau. Vous en avez là des modèles de toutes les formes, avec les prix en chiffres connus. »

Le petit homme retourna la feuille qu’il tenait à la