Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/49

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se frappa la cuisse ; pardieu ! j’aurais dû m’en douter : avec ce front vaste, ce regard penseur !… Eh bien, j’en suis ravi, Monsieur ; moi aussi, je suis philosophe… philosophe pratique… et la preuve, c’est que je voyage pour la Société de l’extinction des croyances. J’ai là le règlement, et je suis autorisé à recevoir les souscriptions. »

Il avait cherché de nouveau dans la trousse, et il offrit à son interlocuteur une brochure au haut de laquelle une vignette représentait le génie de la vérité terrassant l’hydre de la superstition : le génie était le portrait du président de la société, et les têtes de l’hydre des têtes d’abbés.

Blaguefort laissa l’ex-pasteur examiner la brochure, et revint vers l’académicien.

Maurice ne put cacher son étonnement, et lui avoua qu’il venait de réaliser à ses yeux le beau idéal du commis voyageur.

« Ah ! vous voulez me flatter, s’écria Blaguefort en riant ; je me connais, allez ! J’ai un défaut en affaires, un très grand défaut : je suis trop franc ! Je ne sais point faire valoir mes articles, défendre mes avantages ; mais, bah ! j’aime la bonne foi antique, je veux que l’on puisse traiter avec moi sans précautions. Aussi on me connaît ! Sucre, chocolat, soieries, miel, vins de Madère ; on reçoit les yeux fermés tout ce que j’expédie ; c’est ce que je veux : la confiance du public m’honore ; elle constitue mon bénéfice le plus net et le plus sûr ! »

Tout en parlant, l’homme d’affaires vidait sa trousse, afin de la remettre en ordre. Les regards de Maurice s’arrêtèrent sur un papier qui venait de s’entr’ouvrir ; il lut :