Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/53

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viter, et, dans le premier instant qui suivit la catastrophe, les clameurs et les lamentations empêchèrent de s’entendre. L’équipage lui-même paraissait consterné. C’était la première fois qu’il avait à naviguer dans l’estomac d’une baleine, et le capitaine, quoique vieux marin, fut forcé d’avouer qu’il en ignorait complètement les débouquements.

Chacun dut en conséquence donner son avis ; mais tous les moyens proposés paraissaient dangereux ou impraticables. Enfin on pensa au professeur de zoologie du Muséum, qui se trouvait par hasard à bord, et tout le monde se tourna vers lui :

« Laissez parler M. Vertèbre ! s’écrièrent plusieurs voix ; il peut nous donner un bon conseil, lui qui a étudié les baleines. »

M. Vertèbre se redressa.

« Je l’avoue, Messieurs, dit-il gravement ; cet intéressant mammifère a été l’objet de mes observations spéciales, et, quoi qu’aient pu en dire mes adversaires, je crois avoir découvert le premier la véritable nature du lait dont il nourrit ses petits !… La baleine, Messieurs, est un cétacé, nom qui vient du mot grec kêtos il appartient à la famille du narval, du cachalot, du dauphin. C’est un grand mammifère plagiure, vivipare, pisciforme, portant deux pieds appelés nageoires, et respirant par des poumons… »

Il fut interrompu par un soubresaut inattendu. Les propulseurs du bateau-poisson, qui continuaient à se mouvoir, venaient d’effleurer les parois de l’estomac de la baleine, et y avaient déterminé une contraction qui ramena la dorade vers le canal alimentaire. Le mécani-