Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déjeuner sur-le-champ, pour faire ensuite avec eux une promenade à la grande avenue des cheminées.

En sortant de table, M. Atout conduisit ses hôtes et milady Ennui sur la terrasse de son hôtel, où ils trouvèrent une calèche aérostatique, dans laquelle ils montèrent : car, à Sans-Pair, les principaux moyens de communication avaient été établis, pour plus de commodité, à travers l’espace autrefois abandonné au vent et aux hirondelles. Les rues étaient presque exclusivement laissées aux piétons. On voyait les fiacres volants, les omnibus-ballons, les tilburys ailés, courir et se croiser dans tous les sens ; l’éther, enfin conquis, était devenu un nouveau champ pour l’activité humaine. Ici, des débardeurs aéronautes dépeçaient les nuages pour en extraire la pluie ou l’électricité ; là, des chiffonniers aériens glanaient les épaves égarées dans l’espace ; plus bas, de pauvres chimistes volants recueillaient les gaz vagabonds ou les fumées flottantes, tandis qu’à leur côté quelque honnête bourgeois, abrité par deux nuées, essayait de prendre à la ligne les oiseaux de passage.

Après avoir traversé les plaines de l’air, la calèche abaissa son vol vers une sorte d’avenue formée par les cheminées des plus hauts édifices. C’était le bois de Boulogne de Sans-Pair, et toute l’aristocratie élégante s’y donnait rendez-vous.

L’académicien montra successivement à ses deux hôtes les équipages des beautés en vogue, des célébrités à la mode, des banquiers les plus millionnaires. Il leur fit admirer les lions du jour, caracolant sur leurs aérostats pure vapeur, et lorgnant les femmes accoudées aux balcons des terrasses.