Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/75

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Madame Atout n’avait rien négligé pour faire valoir des beautés qui sortaient de chez le meilleur faiseur de Sans-Pair. Sa robe de soie amarante ne descendait qu’au genou, et son pantalon, de gaze blanche, laissait voir vaguement une jambe rose d’une merveilleuse élégance. Le visage maigre et tiré contrastait bien avec cette riche nature ; mais le teint en était si blanc ! les lèvres si fraîches ! les cheveux si noirs et si soyeux ! Puis la richesse des ornements détournait l’attention. Madame Atout portait sur la tête l’imitation, en petit, d’une machine à fabriquer les queues de bouton, autrefois inventée par son père, et aux deux bras les modèles d’une roue de tournebroche modifiée par son grand-oncle, et d’un cercle de chaudière perfectionné par son frère aîné. Maurice apprit plus tard que c’étaient autant d’armoiries parlantes, qui rappelaient les titres de noblesse de la famille. Elle avait, en agrafe, la miniature de M. Atout, couronnée de lauriers et encadrée dans une guirlande de cheveux imitant des immortelles. Un médaillon suspendu au cou renfermait enfin le chiffre de la somme qu’elle avait reçue en mariage ; on y lisait gravé en lettres d’or :

Trois millions de dot. — Séparée de biens !

Maurice comprit sur-le-champ la déférence de l’académicien pour la femme-corset.

La présentation fut faite à milady Ennui, qui lorgna les deux ressuscites avec une curiosité nonchalante, leur adressa une vingtaine de questions dont elle n’attendit pas les réponses, puis déclara tout à coup qu’elle voulait