Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/78

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Maurice la montra à l’académicien et demanda son nom. « Son nom ? interrompit milady Ennui ; qui ne le connaît ? C’est madame Facile… dont le mari est toujours en ambassade à six mille lieues de Sans-Pair. N’est-ce pas le président de la chambre des envoyés qui la suit ?

— Il me semble, en effet ! » répondit l’académicien. Milady fit un geste d’indignation.

« Quelle honte ! s’écria-t-elle ; un homme grave avoir une pareille faiblesse !…

— Comme vous dites… une faiblesse, répéta M. Atout, qui ne paraissait pas lui-même bien fort.

— Oser paraître avec elle, continua milady ; la voir étaler publiquement une beauté trop connue ! »

M. Atout jeta un regard de côté, comme s’il eût souhaité la mieux connaître.

« Ne point être repoussé par le dégoût, par le mépris ! » acheva la femme-corset.

Dans ce moment, madame Facile passa près de la calèche. L’air, agité par son vol, apporta jusqu’à M. Atout le parfum de ses cheveux, et son pied nu faillit l’effleurer.

« C’est scandaleux ! s’écria milady.

— Scandaleux ! répéta l’académicien, qui frémissait encore, et poursuivait d’un œil avide la voluptueuse vision.

— Partons ! reprit la première, indignée.

— Partons ! » répliqua le second en soupirant. La calèche changea de direction. Au bout d’un in-