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ces demandées aux candidats ; mais il se rappela heureusement que, même de son temps, les programmes n’étaient point toujours des vérités. Pour cet examen, comme pour tout le reste, sans doute, on ne voulait que la forme, cette loi suprême des Brid’Oison de tous les temps : car quiconque demande l’impossible s’engage d’avance à ne rien exiger.

M. Atout lui expliqua ensuite par quelle série d’ingénieuses méthodes l’étude de ces connaissances était facilitée aux élèves du grand collège.

Il lui montra d’abord la classe destinée au cours d’histoire, où chaque pan de mur représentait une race, chaque banc une succession de rois, chaque poutre une théogonie. Là tous les objets portaient une date ou rappelaient un événement. On ne pouvait suspendre son chapeau à une patère sans se rappeler un homme illustre, essuyer ses pieds à la natte sans marcher sur une révolution. Grâce à ce système mnémotechnique, aussi expéditif que profond, l’histoire universelle était ramenée à une question d’ameublement ; l’élève l’apprenait malgré lui et rien qu’en regardant. Qu’on lui demandât, par exemple, le nom du premier roi de France, il se rappelait la vis intérieure de la serrure, et répondait : « Clo-vis. » Qu’on voulût connaître la date de la découverte de l’Amérique, il pensait aux quatre pieds de la chaire, dont chacun représentait un chiffre différent, et répondait : 1492. Qu’on s’informât, enfin, de l’événement le plus important qui suivit la naissance du christianisme, il voyait les deux barres d’appui qui s’avançaient sur l’amphithéâtre, et répondait hardiment : « L’invasion des bar-bares ! »