Aller au contenu

Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

manquait une qui pût lui servir de couronne ! Tous les parterres du voisinage avaient été moissonnés. Seul, je possédais la fleur digne d’une telle place. Elle ornait le rosier donné par ma mère à mon jour de naissance. Je l’avais attendue depuis plusieurs mois, et nul autre bouton ne devait s’épanouir sur l’arbuste. Elle était là, à demi-entr’ouverte, dans son nid de mousse, objet d’une longue espérance et d’un naïf orgueil ! J’hésitai quelques instants ! nul ne me l’avait demandée ; je pouvais facilement éviter sa perte ! Aucun reproche ne devait m’atteindre ; mais il s’en élevait un sourdement en moi-même. Quand tous les autres s’étaient dépouillés, devais-je seul garder mon trésor ? Fallait-il donc marchander à Dieu un des présents que je tenais de lui, comme tout le reste ? À cette dernière pensée, je détachai la fleur de sa tige et j’allai la placer au sommet du tabernacle.

Ah ! pourquoi ce sacrifice, qui fut pour moi si difficile et si doux, m’a-t-il laissé un souvenir qui me fait sourire aujourd’hui ? Est-il bien sûr que le prix de ce que l’on donne soit dans le don lui-même,