Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/117

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si l’homme a besoin de sa vertu pour les autres, il a besoin du sentiment religieux pour lui-même ?

Quand, selon l’expression de l’Écriture, le vin de la jeunesse enivre, on espère se suffire ; fort, heureux et aimé, on croit, comme Ajax, pouvoir échapper à toutes les tempêtes malgré les dieux ; mais, plus tard, les épaules se courbent, le bonheur s’effeuille, les affections s’éteignent, et alors, effrayé du vide et de l’obscurité, on étend les bras, comme l’enfant surpris par les ténèbres, et on appelle au secours Celui qui est partout.

Je demandais ce matin pourquoi tout devient confus pour la société et pour les individus. La raison humaine allume en vain, d’heure en heure, quelque nouveau flambeau sur les bornes du chemin, la nuit devient toujours plus sombre ! N’est-ce point parce qu’on laisse s’éloigner, de plus en plus, le soleil des âmes, Dieu ?

Mais qu’importent au monde ces rêveries d’un solitaire ? Pour la plupart des hommes, les tumultes du dehors étouffent les tumultes du dedans, la vie ne leur laisse point le loisir de s’interroger.