Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/254

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fatigué; un livre favori m’attendait : j’ai pensé que les travailleurs ne manqueraient pas, et j’ai continué ma route.

Tout à l’heure j’avais failli par défaut de prudence ; maintenant, c’est par égoïsme et par lâcheté.

Mais quoi, n’ai-je point oublié en mille autres occasions les devoirs de la solidarité humaine ? Est-ce la première fois que j’évite de payer ce que je dois à la société? Dans mon injustice, n’ai-je pas toujours traité mes associés comme le lion ? Toutes les parts ne me sont-elles pas successivement revenues ? Pour peu qu’un malavisé en redemande quelque chose, je m’effraie, je m’indigne, j’échappe par tous les moyens. Que de fois, en apercevant, au bout du trottoir, la mendiante accroupie, j’ai dévié de ma route, de peur que la pitié ne m’appauvrît, malgré moi, d’une aumône ! Que de douleurs mises en doute pour avoir le droit d’être impitoyable ! Avec quelle complaisance j’ai constaté, parfois, les vices du pauvre, afin de transformer sa misère en punition méritée !…