Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/41

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La mère Denis me les montre.

— Voyez-moi ces innocents, comme ça se régale ! dit-elle en passant la main sur la tête du petit gourmand.

— Il n’avait pas déjeuné, fait observer son camarade pour l’excuser.

— Pauvre créature ! dit la laitière ; ça est abandonné sans défense sur le pavé de la grande ville où ça n’a plus d’autre père que le bon Dieu !

— Et c’est pourquoi vous leur servez de mère ? ai-je répliqué doucement.

— Ce que je fais est bien peu, a dit la mère Denis, en me mesurant mon lait ; mais tous les jours j’en ramasse quelques-uns dans la rue pour qu’ils mangent une fois à leur faim. Chers enfants ! leurs mères me revaudront ça en paradis… Sans compter qu’ils me rappellent la montagne ! quand ils chantent leur chanson et qu’ils dansent, il me semble toujours que je revois notre grand-père !

Ici les yeux de la paysanne sont devenus humides.

— Ainsi vous êtes payée par vos souvenirs du bien que vous leur faites ? ai-je repris.