Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/94

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sœurs qui me crient qu’elles ne prennent plus le chemin de fer, qu’elles s’en retournent à pied !

Je comprends alors que l’argent destiné au voyage vient d’être donné à la mendiante !

Le bien a, comme le mal, sa contagion : je cours à la jeune fille blessée ; je lui remets le prix de ma place, et je retourne vers Françoise et Madeleine, en leur déclarant que nous ferons route ensemble.


Je viens de les reconduire jusque chez elles ; je les ai laissées enivrées de leur journée, dont le souvenir les rendra longtemps heureuses !

Ce matin, je plaignais ces destinées obscures et sans plaisirs ; maintenant je comprends que Dieu a mis des compensations à toutes les épreuves. La rareté des distractions donne à la moindre joie une saveur inconnue. La jouissance est seulement dans ce qu’on sent, et les hommes blasés ne sentent plus ; la satiété a ôté à leur âme l’appétit, tandis que la privation conserve ce premier des dons humains, la facilité du bonheur !

Ah ! voilà ce que je voudrais persuader à tous ; aux