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génie de la métrique française, qu’ils étaient si naturellement préparés à connaître. L’on peut pourtant me dispenser d’en dire deux mots, puisque quelques-uns tentent de faire durer encore cette mauvaise plaisanterie. » L’Art des vers, par Auguste Dorchain, p. 402. Per Lamm, éd., 1905).

« Dans le superbe sonnet, A Alfred de Vigny, écrit lors du centenaire du poète, Sully-Prudhomme nous dit à son tour :

Ah ! comme il sied, Vigny, de couronner ton ombre,

Aujourd’hui que brisant le joug ailé du nombre

Le vers fuit des sommets le jour et la hauteur ! (?)

Fier de ton art, docile à ses règles sacrées,

O poète soldat, flétris ce déserteur,

Toi qui sais obéir, même alors que tu crées !

Il aurait pu dire : parce que tu crées (souligné par l’auteur) car ce qu’il y a au fond de la déliquescence de la forme, chez ceux qui brisent « le joug ailé », ce n’est pas autre chose— regardez-y bien — que la vacuité de l’esprit et que la stérilité du cœur (! !).

Parmi ces pages amorphes, dont pas une ne s’est imposée à la mémoire, cherchez — et vous ne les trouverez pas — quelles sont celles qui ont ajouté un peu de tendresse et de pitié au monde, qui ont, fût-ce dans une seule âme (!) jeté un ferment d’enthousiasme Ou de joie, affiné le sens du bien et du mal, affermi la volonté, ennobli la notion de l’amour — tout cela bien entendu non par une prédication voulue et vaine, mais par l’involontaire et invincible émanation de la magnanimité du poète. Pourtant il n’y a que cela qui compte (souligné par l’auteur, p. 415).

« Au reste, rappelons-nous à quel moment a été jeté cet appel à l’anarchie prosodique.

« C’est au moment où ici on vit la poésie abandonner les grandes voies de la pensée, de la conscience et de l’amour, s’éprendre de toutes les déviations morales, de toutes les dépravations physiques, de toutes les aberrations intellectuelles.

« C’est au moment où le vers « désertait » à la fois « le jour » et « la hauteur » des sommets, qu’il tentait de secouer aussi « le joug ailé du nombre » ; car tout se tient et ceci ne pouvait point aller sans cela (? !), C’est alors que quelques exotiques aidés de quelques Français non moins étrangers qu’eux par la sensibilité de l’oreille et la constitution de l’esprit essayèrent de briser notre métrique, grâce à laquelle est si miraculeusement assumée la communication immédiate de celui qui chante avec l’universalité de ceux qui l’écoutent. Et si le but de l’art est de produire selon la parole d’un philosophe « une émotion esthétique d’un caractère social », nous avons failli, alors, voir se réaliser pour eux le paradoxe contenu dans ces mots assemblés, un art anti-social (p. 416 et 417).