Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/88

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Faisons autrement. Si nous réussissons, tant mieux ; si nous échouons, qu’importe ? », paroles que nous interprétions ainsi : « Tout poète se réclame des morts, sachant toutefois que si, d’abord, il n’est lui-même, il ne sera pas. » (Ancœus.— Francis Vielé-Griffin, janvier 1888).

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que les symbolistes ne cherchèrent qu’à réaliser les vœux mêmes de ces morts. Sans remonter plus haut que ce délicieux André Chénier, compris tout de travers par les parnassiens, qu’avait-il avancé dans son poème de l’Invention :

Tout s’allie et se forme et tout va naître ensemble,

et c’est le pur idéal de l’exécution poétique telle qu’y prétendent les symbolistes, tout différent de la menuiserie parnassienne suivant les conseils de Banville. Il dit encore :

Tantôt je ne retiens que les mots seulement,

J’en détourne le sens ; et l’art sait les contraindre

Vers des objets nouveaux qu’ils s’étonnent de peindre.

La prose plus souvent vient subir d’autres lots,

Et se transforme et fuit mes poétiques doigts.

(Epître à Le Brun).

Nos réformes techniques n’étaient-elles pas commandées entièrement par ces lignes :

« Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale, sans rythme (Baudelaire veut dire sans mètre régulier) et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. » (Ch. Baudelaire, Petits Poèmes en prose, préface).