Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/94

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d’art ni d’artistes ; et elle nous affirmera dans le choix de nos maîtres…

iJn maître n’est pas toujours celui qui entasse une œuvre énorme et sur ce piédestal devient l’homme des foules. Il n’est pas toujours non plus l’ouvrier de l’œuvre parfaite, celui qui jusqu’au bout réalise. Un maître, et parmi les plus grands, peut ne laisser qu’un livre incertain ; même pas un livre : un poème ; même pas : quelques pages, quelques vers. Quelques vers ? pas même… Le maître est celui dont la parole, dont une parole germe. Une seule parole peut être cette semence qui est la révélation.

Le maître est celui qui pous enseigne quelque chose qui n’existe pas encore, et dont la force d’enseignement sera d’autant plus féconde qu’elle restera indicatrice. Il est celui qui n’épuise point sa matière.

L’idéal des virtuoses à la Mendès comme de l’Université est tout autre : le maître est celui qui trace des patrons.

Il y a deux sortes de génie : l’un en qui le passé aboutit, seul reconnu du vulgaire et le seul dont on n’a rien à apprendre ; l’autre en qui fermente l’avenir, inépuisable.

Ainsi furent de grands maîtres Mallarmé et Verlaine, grands par leurs œuvres fragmentées comme par l’idéal qu’ils nous commandèrent et qui nous exalte.

Notre Génération. — Cet idéal est en effet un des plus élevés, un des plus purs, un des plus conformes aux besoins de l’art que les générations littéraires aient connu.

Ce n’est pas que notre génération fut différente des autres. Toutes se ressemblent, toutes renferment le même nombre