Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/98

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« Quand je suis arrivé à Paris — c’est déjà loin, ajouta le poète en souriant, je vous parle de 1835 — c’était déjà la même chose I Hugo était passé de mode ! Je venais de Rouen, j’avais le vif désir de finir mes études dans la capitale ; mon père avait bien voulu, et m’avait accompagné pour me faire entrer à l’Institution Favart près Charlemagne, la pension à la mode. Bref, mon père au moment de la présentation dit au directeur :

« — Oui I mon fils désirait beaucoup venir à Paris, et il rêve ardemment de faire la connaissance de M. Victor Hugo, dont il est l’admirateur enthousiaste ! (Remarquez que nous sommes en 1835 I).

« Le monsieur eut un sourire condescendant pour le pauvre petit provincial que j’étais et répondit :

« — Mon Dieu cela ne m’étonne pas ! Il y a deux ans nous étions tous dans son cas 1 Tout le monde ici était très emballé. C’était une mode. Mais maintenant il n’en est plus question. Et s’adressant à moi : Dans quinze jours allez 1 vous penserez comme nous I »

(Enquête sur l’Evolution littéraire, p. 352X

Concordance et consolation : c’est en 1900, quinze ans après leurs premiers efforts que les symbolistes commencèrent d’être enterrés…

La grande différence entre ces deux périodes, c’est que les romantiques travaillèrent en dehors, pour des effets de gestes, pour paraître, tandis que les symbolistes’ travaillèrent en dedans, pour la création même, pour être.

Que si l’on tire parti contre ces derniers de leurs manifestes, on oublie qu’ils ne furent jamais, nous l’avons déjà fait remarquer, que des réponses à des provocations, réponses à la fois sincères et ironiques où le désintéressement, l’indépendance et la bonne humeur déroutaient le servilisme crispé de nos béotiens.