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Page:Souza - Oeuvres completes T1et2.djvu/356

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2 mai.

Aujourd’hui, lorsque nous sommes entrés pour dîner, j’ai détourné les yeux de la place que ma mère occupait au haut de la table. En regardant cette place où je la voyais tous les jours, je craignais que mon père n’allât s’y asseoir. Dieu sait si je l’aime ! mais il ne peut remplacer ma mère ; et elle n’aurait pu me tenir lieu de lui !… Je voudrais qu’on ne succédât pour ainsi dire que par degrés à ceux qui nous étaient chers ; et qu’au moins, quand leur souvenir frappe davantage, les yeux retrouvassent quelques traces de leur séjour dans leur maison. Je ne sais si mon père a été saisi du même sentiment ; mais, comme moi, il a détourné ses regards, et est allé prendre sa chaise accoutumée. « Mon fils, m’a-t-il dit, laissons cette place vide jusqu’au jour où votre femme l’occupera. Alors je vous donnerai la mienne aussi ; ma fortune deviendra la vôtre ; vous n’hériterez point d’un père, vous partagerez avec un ami. Avant de mourir, je vous verrai agir comme chef de notre famille ; avant de