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3 juin.

Il y a déjà un mois que j’ai laissé ce journal, parce que mes réflexions, mes sentimens ont toujours été les mêmes, et que je n’avais pas le courage d’écrire. Loin de travailler à surmonter ma douleur, je cherchais, avec une secrète satisfaction, tout ce qui pouvait l’accroître. Je m’abandonnais à une sombre mélancolie, et ne me plaisais plus que dans la solitude.

Plusieurs fois mon père avait essayé de parler à ma raison, sans pouvoir obtenir que je fisse aucun effort pour me distraire. Je lui savais même mauvais gré d’en avoir la pensée ; et quand il m’avait fait de pressantes mais vaines représentations, je le quittais, mécontent de lui qui voulait m’arracher à des regrets qui m’étaient chers, et mécontent de moi qui affligeais ses vieux jours.

Enfin hier il m’a dit : « Veux-tu donc abréger ma vie ? » À ces mots, j’ai senti un frémissement extraordinaire ; je l’ai regardé avec d’autres yeux que je n’avais fait la veille. Il me semblait que j’allais le trou-