Oui, quand j’ai vu sa main s’emparer de la vôtre
Et que pas un regard de vos yeux n’a trahi
Qu’il n’était que le maître à qui l’on obéit,
Pouvais-je supporter encor leurs cris joyeux ?
Ah ! Comme vous avez mal regardé mes yeux !…
Voilà… Vous m’en voulez toujours ?… Vous m’en voulez ?…
Ainsi, tout mon bonheur, c’est lui qui l’a volé !
Et vous me demandez, en redoutant l’aveu
De ma douleur, si mon cœur meurtri vous en veut ?…
Eh bien, ce cœur déborde d’une joie immense !
Et c’est en moi tout un bonheur qui recommence,
Car, de ce jour cruel, tout à coup transformé,
Je retiens seulement que vous m’avez aimé !
Vous m’aimiez ! Et mon cœur ne se doutait de rien !…
Vous m’aimiez ! Et je suis parti !… Je me souviens…
C’était une limpide et divine soirée…
Mais mon âme était lourde et si désespérée,
Que j’allais, comme un fou, sans voir autour de moi ;
Pourtant, près du vieux pont, pour la dernière fois,
J’ai longtemps regardé l’horizon coutumier,
Puis brusquement je suis parti… et vous m’aimiez !