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Page:Spaak - À Damme en Flandre.djvu/59

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Ne crains rien ; tu seras heureuse, ma petite !
Tu as donc fort bien fait de songer à plus tard,
Puisqu’il est imprudent d’attendre du hasard
Le bonheur qui ne va qu’à ceux qui sont hardis
Et volontaires ! Mais, d’autre part, tu t’es dit,
J’en suis persuadé, n’étant plus une enfant,
Que les efforts qu’on fait vers lui sont décevants
Comme les rêves, quand — pour les raisons profondes
Que personne ne sait — Dieu vous a mis monde
Orphelin, désarmé, d’avance si vaincu,
Que sans l’amour d’autrui l’on n’aurait pas vécu !
Grâce à moi, tu n’auras jamais souffert du deuil
Où nous mit ta naissance !… Oh, je n’ai nul orgueil
De t’avoir recueillie, et tu ne me dois rien ;
Si ce fut ton bonheur, ce fut aussi le mien !

GERTRUDE

Maître…

CORNEILLE, qui a repris toute son assurance en parlant,

Maître… Écoute d’abord. Oui, pendant ces vingt ans,
Tu fus la vie et la gaîté de tout instant
Chez moi ! Lorsque j’avais un moment de loisir,
Te voir fut mon repos, t’entendre, mon plaisir,
Et quand, aux mauvais jours de lutte trop intense,
J’étais las de payer si cher mon existence,
Par ton rire d’enfant qu’il m’advint d’écouter,
Tu m’as rendu plus fort souvent, sans t’en douter !