Page:Spaak - À Damme en Flandre.djvu/95

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GERTRUDE, avec un mouvement d’impatience douloureuse,

Raison… Ah ! laisse-moi penser ce qu’il me plaît !
Et permets-moi de voir avec des yeux d’envie
Ceux qui s’en vont vers le repos… ou vers la vie !

MÈRE-FLANDRE

C’est bon…

Gertrude se rassied près de son rouet mais sans travailler. Mère-Flandre va et vient. Alors la porte du fond s’ouvre ; Pierre paraît au seuil.
Il a gagné cette assurance que donne un sort prospère et qui se manifeste dans le ton posé de la voix, dans l’audace tranquille du regard, dans l’attitude aisée du corps entier. Il a l’élégance renommée des riches Anversois. Sous une toque plate de fin drap noir, entourée d’une cordelière de soie, ses cheveux taillés sur le front et bouffants sur les oreilles et le cou, élargissent son visage soigneusement rasé. Un manteau court au col de bièvre et doublé de même fourrure, tombe, non boutonné, laissant voir un pourpoint sur une chemise blanche et plissée, fermée d’un cordonnet. Par les manches fendues du manteau qui pendent droites, passent les manches du pourpoint. Les chausses noires sont cachées, à mi-jambes, par des bottes basses de cuir brun. Une large bourse est accrochée à la ceinture ; il tient en main des gants de peau grise ; il porte à l’index un anneau d’or à son cachet.
Arrêté sous la porte il ne peut voir Gertrude et demande à Mère-Flandre :

C’est bon… Le Maître est-il chez lui ?

MÈRE-FLANDRE

C’est bon… Le Maître est-il chez lui ? Non ; il a dû