Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et d’abord constatons ensemble qu’il semblait improbable certes, impossible peut-être, il y a quelques années, qu’une œuvre belge tînt l’affiche au delà d’un nombre fort restreint de soirées.

Vous, le public, vous vous y opposiez presque avec acharnement. Vous étiez plein de préjugés, de doutes, de timidités. Vous n’aviez pas confiance en nous, les auteurs, ni en vous, les juges. La seule pièce française vous attirait : elle, avait subi l’épreuve de la critique à Paris et ce vous était une garantie pour lui reconnaître, à votre tour, des qualités scéniques ou des mérites littéraires.

Vous n’aimiez pas à vous compromettre.

Certes vous aviez tort, mais vous aviez tort avec pondération. Vous aviez pour vous l’habitude et le bon sens apparent. Ce sont deux grandes forces. Vous vous disiez presque avec raison : Le théâtre belge ne fait que refléter, en des miroirs ternes, l’art qui brille ailleurs parmi des glaces et des flambeaux. Le théâtre belge ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà, par ce seul fait que les pièces françaises illuminent nos tréteaux. Bien plus. Non seulement les idées, les conceptions, les sentiments mis en relief sont les mêmes à Bruxelles qu’à Paris, mais la manière de les présenter, la manière de les rehausser et de les peindre, est bien plus vivante, habile, charmante et délicate là-bas. Nous n’avons pas le tour de main, la souplesse du doigté, la dextérité suprême. Nos bons mots sont lourds, nos traits d’esprit émous-