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JEAN (tristement, en montrant l’atelier)

J’ai fermé cette chambre et n’y rentrerai plus,
Mon père. Je suis calme. Il est vrai que là-haut
Se trouvent les premiers essais de mes pinceaux,
Et tout ce qui, durant de nombreuses années,
Fut l’encouragement de mon œuvre obstinée ;
Mais, puisqu’y dort aussi le passé qui me blesse,
Il vaut mieux, croyez-moi, que ma main les y laisse,
Et qu’ils demeurent là, dans la chambre fermée,
Avec le souvenir de cette femme aimée.

LE PÈRE (mécontent)

Je n’ai foi dans ton calme ni dans ta raison !
Et j’attendrai, pour espérer ta guérison,
Le jour où, rallumant d’orgueil tes yeux éteints,
Tu me diras : J’ai bien travaillé ce matin !
T’imagines-tu donc que ta tâche est remplie ?
Ton passé…

JEAN

Ton passé… Mais comment voulez-vous que j’oublie !
J’y pense incessamment ! Je voudrais tant savoir !

LE PÈRE

Savoir ?

JEAN

Savoir ? Où donc a-t-elle été cet affreux soir ?