Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/160

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Elle était le vivant souvenir de ma foi ;
Et lorsqu’il m’arriva de douter quelquefois,
J’ai retrouvé ma force et ma ferveur première,
En reposant mes yeux sur ses yeux de lumière !
Son regard rassurait ma pensée hésitante ;
Je songeais : Elle sait la gloire qui me tente,
Son amour m’encourage et m’aide à la vouloir !
Mais elle s’est enfuie aussi loin que la gloire ;
Je suis sûr désormais de ne plus les atteindre.
Et je n’ai plus d’amour, et je ne sais plus peindre !

KAATJE (essayant de le calmer)

Ah ! c’est tout doucement qu’il faudrait ranimer
Ton courage ! Il faudrait…

JEAN (sans l’écouter)

Ton courage ! Il faudrait… Je me suis enfermé
Là-haut, les premiers jours, souviens-toi ! J’ai voulu
M’abrutir de travail, et, sans y penser plus,
La laissant s’éloigner et courir les grand’routes,
Terminer mon dernier tableau, coûte que coûte !
Mais comment dire, hélas ! mes efforts, leur misère,
Mon découragement dans l’atelier désert
Où parfois mon esprit chavirait dans ses rêves ?
Devant moi, je voyais passer, passer sans trêve,
Un cortège inouï d’images immobiles !
Apollon couronné chantait près des sybilles ;