Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/159

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Je blâme chaque jour mon cœur stérile et lâche ;
Je me dis : Ce matin je reprendrai ma tâche,
Mes doigts pourront refaire un effort qu’ils ont pu,
Et je continuerai mon rêve interrompu !
Puis l’heure passe ; en vain je tente d’éprouver
L’enthousiasme ancien qui me faisait rêver
Aux jeux de la lumière, aux caprices des formes ;
En vain je veux rouvrir sur eux mes yeux qui dorment ;
Rien ! Je ne vois plus rien sur la blancheur des toiles !
Ce cœur n’a plus de foi ! Ces yeux n’ont plus d’étoile !

KAATJE

Jean ! Jean !

JEAN (s’animant encore)

Jean ! Jean ! Rappelle-toi ! Le jour de son départ,
Nous avons discuté ; elle a ri de mon art
En parlant du tableau que je peignais alors.
Tu t’en souviens ? C’étaient mes tons fades et morts,
Mon sujet mal conçu, mon dessin sans beauté !
Elle a parlé du Bronzino ; j’ai protesté,
Et niant sa critique et ses comparaisons,
J’ai dit qu’elle avait tort ! Mais elle avait raison !

KAATJE

Dieu !

JEAN

J’avais mis en elle — et ce fut ma folie ! —
Le culte que mon art vouait à l’Italie !